Dans une société qui rime avec productivité, nous sommes souvent confrontés à devoir effectuer plusieurs tâches en même temps. Que ce soit à la maison ou au bureau, nous devons faire rentrer une tonne de choses à exécuter dans des journées de 24 h. Alors, est-ce qu’être multitâche est réellement possible ? Est-ce une illusion de croire que c’est une compétence ? Mais surtout, est-ce que cette capacité à jongler entre nos différentes tâches est bonne pour nous ? Cet article va soulever 5 réflexions concernant le multitasking et nous permettre d’éclaircir notre compréhension.

1. Est-ce que notre cerveau peut concrètement faire plusieurs choses à la fois ?

Commençons par éclaircir cette notion de multitâche. Selon la science, être multitâche, c’est réaliser au moins 2 tâches simultanément, c’est-à-dire que notre cerveau va les traiter exactement en même temps.

Pouvons-nous vraisemblablement nous concentrer sur plusieurs tâches différentes en même temps ? Où s’agit-il plus simplement de passer rapidement d’une tâche à une autre ?

Que pensez-vous de regarder la télévision en faisant de la couture ?

Ou encore de tenir une conversation téléphonique en écrivant un email ?

Selon la similitude des tâches, il vous sera plus ou moins facile de les exécuter en même temps. Dans un article paru sur Science et Avenir en 2015, Michael HALASSA, chercheur, est clair, il affirme que le cerveau n’a pas la capacité de faire bien deux choses à la fois. 

Toutefois, il nous est possible de réaliser des tâches simultanément si elles sont devenues automatiques, comme de marcher en discutant avec quelqu’un. En effet, notre attention est moins sollicitée, les deux fonctions citées dans l’exemple ci-dessus ne sont pas en compétition.

C’est le cas aussi pour certains métiers comme les médecins urgentistes. Leur apprentissage de procédures complexes en quasi-automatique leur permet de planifier d’autres tâches simultanées à très court terme.

Les scientifiques se rejoignent tout de même sur le fait qu’être multitâche demande beaucoup plus d’énergie à notre cerveau que de se concentrer sur une tâche unique. Et que le risque d’erreur est plus important. 

De plus, notre cerveau possède un mécanisme qui permet d’interrompre temporairement, et d’une manière totalement inconsciente, notre attention. Ce phénomène nous fait perdre le fil de nos informations lorsque nous alternons rapidement entre deux tâches. Par exemple, comme couper le fil d’une discussion pendant la conduite d’un véhicule lorsque l’on se concentre sur une manœuvre. 

2. Est-ce qu’être multitâche est un gage d’efficacité ?

De nombreuses personnes sont persuadées d’être multitâches et que c’est grâce à cette super faculté qu’elles arrivent à être plus efficaces. Sans vouloir les contredire, de nombreux scientifiques se sont mis d’accord pour annoncer qu’il était impossible à notre cerveau de se concentrer sur plusieurs tâches en même temps.

En dehors des fonctions automatiques de notre corps, telles que respirer et digérer simultanément, on parlera plus spécifiquement de transfert d’attention d’une chose à une autre. 

Malgré ses milliards de neurones, de connexions et sa puissance cognitive, notre cerveau perd de son efficacité dès qu’il lui est demandé d’exécuter plusieurs activités au même moment. 

La qualité de notre travail s’en trouve altérée ainsi que notre performance et notre bien-être. Comme on l’a vu ci-dessus, les interruptions du fil d’information dégradent notre concentration et nous demandent de plus en plus de temps pour revenir sur chaque tâche. 

Afin de gagner en efficacité, privilégions plutôt une bonne organisation. Nos journées ne sont pas à rallonge, une bonne planification de nos priorités, nous permettra une meilleure gestion du temps et une charge mentale moins forte.

Il existe de nombreux outils qui peuvent nous permettre de libérer notre esprit des contraintes du temps et de toutes ces obligations qu’il nous faut remplir. 

En voici quelques exemples :

• la méthode Pomodoro, il s’agit de se concentrer 25 min sur un travail et de prendre une pause de 5 min ;
• le travail par bloc de temps, selon votre pouvoir de concentration, bloquez 2 h ou moins pour chaque tâche ;
• la matrice Eisenhower vous permet de classer vos tâches importantes, urgentes, moins importantes et moins urgentes ;
• la méthode Alpen, quant à elle, consiste à noter les tâches de la journée, en évaluant leur durée, en programmant des plages de temps de réserve et en vérifiant le travail accompli régulièrement. 

Il existe aussi une excellente méthode que peu d’entre nous savent faire, c’est dire NON quand on ne peut plus rien faire rentrer dans notre journée.

3. Est-ce que jongler avec plusieurs tâches simultanées peut avoir des conséquences négatives ?

Vous est-il arrivé de téléphoner dans la rue tout en marchant ? Voire en traversant la rue ? Il est vrai que ces 2 actions simultanées sont possibles pour nous tous. Toutefois, votre attention ne sera pas très présente et vous risquez de ne pas vous rappeler avoir croisé un ami.

Mais apercevez-vous les répercussions dangereuses qui peuvent arriver ? 

Cet exemple est particulièrement clair quant aux conséquences qu’il peut y avoir. Mais étudions des effets moins visibles dans notre quotidien dans le fait d’être multitâche.

Nous voulons tellement en faire que nous démultiplions les demandes à notre cerveau. Ces nombreuses sollicitations quotidiennes simultanées créent à la longue des difficultés à notre mémoire immédiate. Elles ne lui permettent plus de retenir certaines informations importantes nécessaires au moment de la réalisation de nos tâches. Malheureusement, elles touchent aussi notre mémoire à plus long terme, des informations très utiles sombrent dans l’oubli.

Il existe de nombreuses autres conséquences, que cela soit physique ou intellectuel :

• une dégradation de nos facultés d’analyses ;
• une perte au niveau de nos facultés de raisonnement et d’observation ;
• une surcharge mentale ;
• une perte d’attention due à une submersion d’informations.

Pendant que nous jonglons entre toutes nos tâches, nous impliquons plusieurs parties de notre cerveau dans cette action. Nous épuisons notre dose de glucose qui représente la principale source d’énergie de notre cerveau. Résultat, à la fin de nos journées, nous nous sentons fatiguées, stressées et angoissées. 

Être multitâches peut nous mener sur la voie de la dépression, voire du burn-out.

4. Peut-on être productif sans être multitâche ?

Selon Susan Weinschenk, psychologue du comportement et consultante en neuropsychologie, être multitâche a un coût, celui de perdre jusqu’à 40 % de notre productivité.

Alors, comment être productif sans forcément réaliser simultanément plusieurs tâches ?

Voyons déjà comment fonctionne notre cerveau. Ce muscle, beaucoup plus puissant qu’on ne peut l’imaginer, prend en moyenne 35 000 décisions par jour. Il est constamment stimulé par tout ce qui l’entoure.

Alors pour lui alléger la tâche, commençons par dresser la liste de toutes nos obligations du lendemain, le soir avant de nous coucher ou avant de quitter notre lieu de travail. En nous levant, le tempo de notre journée sera déjà en place. Ensuite, parmi toutes ses tâches, trouvons-en une ou deux qui seront nos tâches essentielles, les plus importantes, celles qui doivent être absolument finies le soir et qui vont donner le ton de notre journée. Mais cette façon de faire vous aidera aussi à moins procrastiner. 

Je me répète, mais une bonne productivité, comme pour l’efficacité, passe par une bonne organisation. N’oublions tout de même pas une chose importante, comme pour tous muscles extrêmement sollicités, ils doivent avoir des moments de pause. Et le cerveau ne coupe pas à la règle, sous peine d’impacter notre niveau de productivité et de le rendre plus faible.

Il suffit de les intégrer à notre programme de chaque jour. Cela peut être uniquement de prendre l’air quelques minutes en appréciant le moment présent, ou de prendre le temps de ranger notre espace personnel de travail. 

Arrêtons de regarder toutes les heures les nouveaux courriels qui viennent encombrer notre boîte mail. Programmons un ou deux moments dans la journée qui leur seront réservés.

Coupons notre téléphone ou toute autre sorte de stimuli extérieurs qui peuvent nuire à notre concentration sur la tâche du moment. Il sera toujours temps de rappeler nos interlocuteurs après.

Parmi toutes les tâches programmées, il sera certainement intéressant de filtrer celles qui sont inutiles. Certaines peuvent sans doute être déléguées, ou remises sur un autre jour. 

Nous pouvons aussi instaurer des routines sur des tâches basiques et répétitives, comme pour nous préparer le matin ou notre mise en place à l’arrivée sur notre lieu de travail. Le but étant d’alléger notre cerveau et de gagner en énergie.

Mais surtout, prenons du plaisir dans ce que nous avons à faire. Aimer ce que l’on fait nous rend plus productives. Si notre travail ne nous amuse plus, si ce n’est plus possible de l’apprécier, alors, récompensons-nous chaque fois que nous terminons une tâche importante. Une pause-café avec un collègue que nous apprécions, un moment de relaxation sur une musique douce, peu importe du moment que cela nous procure une sensation de bien-être.

5. Est-ce que les femmes sont plus particulièrement multitâches ?

Au vu de tout ce qui a été dit plus haut, on peut en déduire que la croyance populaire qui insinue que les femmes sont plus multitâches que les hommes est un mythe. Car on a bien compris, on est tous incapables d’être multitâches. 

Et pourtant, combien de fois n’avons-nous pas entendu ou dit à nos hommes, sur un air taquin, que nous étions plus douées qu’eux pour faire plusieurs choses en même temps 😉.

Mais le verdict est tombé, nous sommes démystifiées, hommes et femmes ont le cerveau conçu de la même façon.

Alors pourquoi ce sentiment de penser que les femmes peuvent réaliser différentes tâches simultanément ?

Peut-être tout simplement parce que nous arrivons à faire rentrer plusieurs vies dans une seule journée : une vie professionnelle, la gestion des enfants et la gestion de la maison. Nos journées commencent souvent dès le matin sur les chapeaux de roue. Notre To-do list en main, avant même de commencer notre journée de travail, nous avons très généralement déjà déposé les enfants chez la nounou ou/et à l’école avec un parcours millimétré. 

Tout est calculé au quart d’heure près, pas de temps à perdre, et le retour du soir est calqué sur l’aller du matin.

Mais tout ce mouvement a un prix. Ce prix est la charge mentale due au travail de gestion, d’organisation et de planification de la vie de toute la famille qui vient compléter la vie professionnelle. L’objectif est la satisfaction des besoins de chacun. Nous avons beau être en 2022, l’inégalité dans la répartition des tâches ménagères est toujours bien présente en sein de nombreuses familles. 

Alors, nous avons tendance à nous oublier, à vouloir tout bien faire toutes seules, nous courrons droit vers le burn-out parental. Nous nous épuisons et perdons tout le plaisir des moments en famille. 

Donc NON, nous ne sommes pas multitâches, car la science l’a prouvé, mais nos journées pourraient bien nous le faire croire tellement nous pouvons mobiliser notre attention sur une multitude de réalisations extrêmement variées. Réapprenons à prendre le temps de vivre, fixons-nous des limites afin de retrouver de la sérénité et de prendre soin de notre santé mentale.

Avec ces 5 réflexions sur le sujet du multitasking, vous êtes plus à même de cerner les atouts et les inconvénients d’être multitâche. Les décisions que vous allez prendre à partir de maintenant seront plus réfléchies. Vous allez voir d’un œil différent votre façon de vous organiser. Et même s’il vous arrivera encore régulièrement d’avoir le sentiment d’exécuter certaines choses en même temps, vous serez plus conscient des conséquences que cela peut engendrer.
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